MAHMOUD DARWICH
La quasida de Beyrouth
(Extraits)
- Que vois-tu à l’horizon ?
- Un autre horizon.
Connais-tu un à un les tués ?
- Et ceux qui naîtront…
Ils naîtront
Sous les arbres,
Et naîtront
Sous la pluie,
Et naîtront
De la pierre,
Et naîtront
Des éclats,
Et naîtront
Des miroirs,
Et naîtront
Des recoins,
Et naîtront
Des défaites,
Et naîtront
Des bagues,
Et naîtront
Des bourgeons,
Et naîtront
Du commencement,
Et naîtront
Du conte,
Et naîtront
Sans fin,
Et naîtront et grandiront et seront tués
Et naîtront et naîtront et naîtront.
[...]
Échiquier des mots,
Reliquat de l’âme, appels au secours de la rosée,
Lune fracassée sur la terrasse de la nuit,
Beyrouth, améthyste qui hurle, brûlée à vif, sur le dos des colombes,
Rêve que nous porterons et rêverons quand il nous plaira et suspendrons
à nos cous.
Beyrouth, tubéreuse des débris
Et premier baiser. Apologie des lilas de Chine. Manteau pour la mer et
les trépassés.
Toits pour les astres et les tentes.
Poème de la pierre. Choc de deux alouettes cachées dans une poitrine…
Ciel amer, assis, pensif, sur une pierre.
Rose audible, Beyrouth. Voix décisive entre la victime et le glaive.
Et un enfant, venu à bout de tous les Commandements
Et de tous les miroirs
Et … qui s’est endormi.
1984
Traduit de l’arabe par Elias Sanbar
In, Mahmoud Darwich : « La terre nous est étroite et autres poèmes »
Editions Gallimard (Poésie), 2000
Les conséquences des explosions de la veille au port de Beyrouth, la capitale libanaise, le 5 août 2020 © AFP / Anwar Amro
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