1 mai 2020

GILLES VIGNEAULT - L'après se prépare maintenant


PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE


Gilles Vigneault, poète-acériculteur québécois
Avril 2020

L'APRÈS SE PRÉPARE MAINTENANT (Extraits)

Je ne me considère pas comme un oracle ou quelqu’un de sage. Enfin, sage : peut-être la semaine prochaine ! Mais je suis une personne à risque, j’ai 91 ans, c’est la seule chose qui me donne le droit de parler…

Si je m’ennuie ?  (...) Je ne m’ennuie jamais !
Je rêve beaucoup. Il m’arrive de parler. Mais il m’arrive beaucoup, beaucoup plus de me taire ! C’est simplement un exercice de préparation pour plus tard, c’est du rodage…

Je crois qu’on va vaincre cette chose-là, beaucoup parce que nos dirigeants, tout le monde, pour une fois, écoute la science et les savants. C’est bien de prier ! Mais on ne peut pas se confier qu’aux prières. Quand on se confie aux prières, on donne la job à quelqu’un d’autre. Mais quand on se confie à soi-même, là on est à l’ouvrage !

On apprend qui nous sommes dans cette pandémie, on apprend que nous sommes tous devenus responsables de nous, et du voisin. C’est extraordinaire. Ça ne nous est jamais arrivé avant. C’est un moment de réflexion, de réalisation de ce qu’est la planète, de ce qu’on est: c’est le moment de se projeter dans l’avenir… 

C’est la première fois dans l’Histoire de la Terre habitée qu’on a une photographie instantanée (et on n’a pas fini d’être tannés !) de nous-mêmes. Et chacun de nous peut faire un selfie : c’est un immense miroir qui nous dit qui nous sommes et ce que nous faisons sur cette Terre. Qui nous dit d’où nous venons. Qui nous demande : “Êtes-vous digne de cette planète ?” Et on ne sait pas trop quoi répondre. C’est la première fois qu’on a une photographie qui nous renvoie notre image : est-ce qu’on continue comme ça ?

C’est la conscience du fait qu’on est responsables les uns des autres. Du fait que nous ne vivons pas seuls. Y a des réflexions à faire. Pas des réflexions menant à la haine, au dépit, à la fanfaronnade. Réfléchir, c’est fléchir le genou de nouveau, s’apercevoir qu’on s’est trompé. Réfléchir, c’est s’arrêter… 

Je veux aussi dire ceci : pour dire à l’autre, dont nous sommes responsables, pour lui dire : attention, tu es responsable de moi comme je suis responsable de toi, le meilleur outil, c’est encore notre langue. C’est notre outil le plus précieux, plus fort que nos bulldozers, nos limes, nos marteaux…

La meilleure valeur, c’est l’empathie. Voilà ce que je voudrais qu’on n’oublie pas. Moi le premier, je ne dois pas l’oublier. Des fois, je me sermonne ! Je dois plus penser à l’autre… Oui, il faut penser à l’autre, l’autre juste à côté… L’autre qu’on a un peu oublié… 

Il y aura un après, il en est sûr. Mais l’après se prépare maintenant.


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